A. ALEXANDRE ET LES BRAHMANES DE L’INDE
Première réponse de Dindime :
A2
Nous n’élevons pas des édifices hauts comme des tours et ne desséchons pas par quelque procédé l’air salubre ni n’enfermons dans un séjour brûlant la course des eaux fraîches. Mais pourquoi réclamerions-nous des bains, nous dont le corps n’est pas souillé de contacts impurs ? Le soleil nous chauffe, la rosée nous baigne, le ruisseau apaise notre soif, la terre nous donne un lit, le souci n’interrompt pas notre sommeil, la méditation ne fatigue pas notre esprit.
Nous ne prenons pas les armes, nous ne faisons pas la guerre. Nous assurons la paix, par les bonnes moeurs, non par la force. Seule la fortune, que nous combattons souvent, et souvent avec succès, déplore d’avoir eu la témérité de nous mettre à l’épreuve.
A3
La mort ne nous atteint pas, sinon celle qu’entraîne l’affaiblissement de l’âge. Aucun père enfin ne suit les obsèques d’un fils. Nous n’élevons pas aux défunts des tombeaux comme les temples et nous ne plaçons pas les cendres dans des urnes ornées de pierreries, usage que je considérerais moins comme un honneur que comme une punition. Qu’est-il en effet de plus misérable que ces ossements qu’on brûle pour que notre mère la terre ne les accueille pas dans son sein ?
Notre philosophie est simple : elle ne sait aider que dans la justice, et ne sait pas nuire, même dans l’injustice, jugeant qu’il ne faut pas faire à autrui ce qui nous afflige quand on nous le fait.
Nous ne sommes pas, nous, des habitants de ce monde, mais des étrangers et nous venons sur la terre non pour le plaisir d’y demeurer, mais de passer. Nous nous hâtons en effet vers la demeure de nos ancêtres, sans être alourdis du poids de nos péchés, sans nous arrêter dans les échoppes de séductions ni être redevables aux marchands d’ignominies. En effet, nous n’avons à couvrir aucune inconvenance par une punition, aucun larcin provoqué par la cupidité à effacer par des progrès moraux, car nous avançons le front et la conscience purs.
Nous n’affirmons pas être des Dieux et ne dénigrons pas jalousement, comme tu feins de le croire, l’œuvre céleste. Mais nous ne faisons pas mauvais usage de la bonté divine.
A4 - Anonyme : Epitomé de l’Histoire d’Alexandre (IVe-Ve siècle)
72 : Les philosophes Indiens à Alexandre de Macédoine :
73 : Ce qui nous vient de la divinité sera plus que tout dans la main des dieux. Nous nous efforçons de connaître ce que nous pensons être précieux et utile dans la vie, et nous usons gratuitement de ce que possèdent les autres, eux qui ne pouvant l’acquérir sans frais, font volontiers notre éloge.
74 : Nous ne ressemblons pas aux philosophes grecs qui ne valent que par leurs discours. Chez nous, les paroles s’accordent aux actes et les actes sont calqués sur les paroles. C’est pourquoi notre bien le plus précieux est de posséder depuis très longtemps la vérité et la liberté. Ne t’efforce donc pas de faire violence à des gens à qui tu ne peux rien ôter malgré eux. Si au contraire tu le cherches, tu te montreras injuste et ennemi de la vertu que les hommes de bien pratiquent avec ardeur.
78-84 : Alors Alexandre s’adressa en ces termes aux dix philosophes capturés dans la ville :
L’Indien répondit : « Plus de vivants, car on ne peut dénombrer des gens qui n’existent pas. »
Question : « Y-a-t-il plus d’animaux marins ou terrestres ? »
Réponse : « Terrestres, car la terre renferme la mer elle-même dans son sein. »
Question : « Quel est l’animal le plus habile ? »
Réponse : « Celui qu’aucun homme ne connaît ».
Question : « Pourquoi avez-vous donné au roi Sambus le conseil de me faire la guerre ? »
Réponse : « Pour qu’il vécût noblement ou mourût noblement ».
Question : « De la nuit ou du jour, quel est le plus ancien ? »
Réponse : « La nuit est d’un jour plus ancienne que le jour. »
A5
Question : « Que doit faire un homme pour être agréable à tous ? »
Réponse : « Quand il sera tout puissant, veiller à ne pas se montrer cruel. »
Question : « Comment peut-on croire qu’un simple homme est un Dieu ? »
Réponse : « S’il a fait ce que ne peut faire aucun mortel. »
Question : « Qui l’emporte, de la mort ou de la vie ? »
Réponse : « La vie parce qu’elle donne l’existence à ceux qui n’étaient pas, tandis que la mort anéantit ceux qui existent ».
Question : « Quelle est la durée utile de la vie d’un homme ? »
Réponse : « Jusqu’au moment où il comprend que la mort lui est plus utile que la vie. »
Puis Alexandre demanda au dernier quel était, à son avis, celui d’entre eux qui avait fait la plus mauvaise réponse, en lui interdisant de juger par complaisance. Celui-ci, qui ne voulait pas que son jugement cause la mort de quel-qu’un, répondit qu’ils avaient répondu plus mal les uns que les autres. « Qu’ils meurent donc tous, dit Alexandre, et toi aussi, leur chef, qui as si mal jugé ». Alors le chef des Indiens : « Alexandre, un roi ne doit pas mentir. Celui de vous, as-tu-dit, à qui j’aurai demandé de juger, je le renverrai s’il a bien jugé. Eh bien, mon jugement, loin d’être faux est exact. Il n’est pas juste que l’un de nous soit condamné par l’effet de mon jugement. Il ne convient donc pas qu’un de nous périsse sur ton ordre. Ce n’est en effet pas à nous, mais à toi de faire en sorte que nous ne mourrions pas injustement. »
Après les avoir entendus, Alexandre, appréciant leur sagesse, les fit vêtir et renvoyer.
B. - TEXTES LATINS DE L’ANTIQUITE RELATIFS A LA RELIGION DE L’INDE
B 1
CICERO (45 av. J.C.) Tusculanae disputationes 5, 77-78
De natura deorum, 3, 42 : quintus (sc. Hercules) in India qui Belus dicitur …
PROPERTIUS (27-22 av. J.C.) 3, 13, 15-22
Felix Eois lex funeris una maritis,
quos Aurora suis rubra colorat equis !
Namque ubi mortifero iacta est fax ultima lecto,
uxorum fusis stat pia turba comis
et certamen habent leti, quae uiua sequatur
coniugium ; pudor est non licuisse mori.
OVIDIUS (15 av. J.C.)
Ars am. 1, 190-191 Quantus tum, Bacche, fuisti, cum timuit thyrsos India uicta tuos !
Met. 15, 413 : Victa racemifero lyncas dedit India Baccho.
Fast. 1, 341 : tura nec Euphrates nec miserat India costum.
Fast. 3, 465 orbe : interea liber depexos crinibus Indos uicit et Eoo diues ab redit.
Fast. 3, 729-730 : Te memorant, Gange totoque Oriente subacto, primitias magno seposuisse Ioui.
Pont. 4, 8, 61 : Sic uictor laudem superatis Liber ab Indis … traxit.
B2
VALERIUS MAXIMUS
1,8, ext. 10
2, 6, 14
POMPONIUS MELA (44 ap. J.C.)
De chorographia
Cultorum habitus moresque dissimiles. Lino alli uestiuntur aut lanis quas diximus, alii auium ferarumque pellibus ; pars nudi agunt, pars tantum obscena uelati.
QUINTUS CURTIUS (41-54 ap. J.C.)
8, 9, 32
Apud hos occupare fati diem pulchrum, et uios se cremari iubent quibus aut segnis aetas aut incomoda ualetudo est. Expectatam mortem pro dedecore uitae habent nec ullus corporibus quae senectus soluit honos redditur : inquinari putant ignem, nisi qui spirantes recipit.
SENECA (mort en 65 ap. J.C.)
Oed. 424-428
Vidit aurato residere curru,
uestu cum longa tegeres leones,
omnis Eoae plaga uasta terrae,
qui bibit Gangen niueumque quisquis
frangit Araxen.
B3
PLINIUS SECUNDUS
Naturalis historia
4, 39
8, 76
In India et boues solidis ungulis, unicornes, et feram nomine axin inulei pelle pluribus candidioribusque maculis, sacrorum Liberi Patris
11, 111
Indicae formicae cornua Erythris in aede Herculis fixa miraculo fuere.
MARTIALIS (80-100 ap. J.C.)
8, 26, 1-8
Vincit Erythraeos tua, Caesar, harena triumphos
et uictoris opes diuitiasque dei ;
nam cum captiuos ageret sub curribus Indos,
contentus gemina tigride Bacchus erat.
APULEIUS (autour de 150 ap. J.C.)
Florida, 6
B4
Florida 15, 13
TERTULLIANUS (197 ap. J.C.)
Apologeticum, 42, 1
Neque enim Brachmanae aut Indorum gymnosophistae sumus, silvicolae et exsules uitae.
SOLINUS (milieu du 3ème siècle)
Collectanea rerum memorabilium
52,
53, 17
Cultu rex dissimili a ceteris uestitur syrmate, ut est habitus quo Liberum Patrem amiciri uidemus.
PASSIO SANCTI THOMAE APOSTOLI (milieu du 4ème siècle)
1 Dicit ei Thomas : « domine : quouis mitte me praeter ad Indos ».
DE MIRACULIS BEATI THOMAE APOSTOLI (milieu du 4ème siècle)
B5
HILARIUS (4ème siècle)
In psalm. 64, 3
AMBROSIUS (397 ap. J.C.)
Epist. 37, 35
AUSONIUS (4ème siècle)
Epigr. 48
Ogygidae me Bacchum uocant,
Osirin Aegypti putant,
Mysi phanacen nominant,
Dionyson Indi existimant,
Romana sacra Liberum,
Arabica gens Adoneum,
Lucaniacus Pantheum.
PACATUS (389 ap. J.C.)
Panegyricus Theodosio Augusto dictus
4, 4, 5
B6
AMMIANUS MARCELLINUS (390 ap. J.C.)
23, 6, 33
28, 1, 13
HIERONYMUS (380-420 ap. J.C.)
Aduersus Iouinianum 1, 44
PRUDENTIUS (405 ap. J.C.)
Hamartigenia, 401-403
Inde canina foro latrat facundia toto,
hinc gerit Herculeam uilis sapientia clauam
ostentatque suos uicatim gymnosophistas.
Schol. cod. Vat. Pal. 1715
A gymnos gymnosophista, quia penitus ab amore sophiae res seculares spreuit.
B 7
OROSE (417 ap. J.C.)
Historiae aduersus paganos
1, 9, 4
AUGUSTINUS (5ème siècle)
De Ciuitate Dei - 8, 9
10, 32
14, 17
18, 13
FULGENTIUS (2ème moitié du 5ème siècle)
Mythol. 2, 12
B 8
SIDONIUS APOLLINARIS (470 ap. J.C.)
Carm. 22, 33-34
Dulce natant oculi, quos si fors uertat in hostem,
attonitos, solum dum cernit, inebriat Indos.
Epist. 8, 3, 4
CLAUDIANUS MAMERTUS (474 ap. J.C.)
Epist. 2
PRISCIEN (500 ap. J.C.)
Periegesis
Paulatim trahitur tamen haec orientis ad oras,
Oceanus statuas Bacchi qua tangere fertur
finibus Indorum postremis, gurgite torrens
qua Ganges liquido Nysaeos irrigat agros.
PALLADIUS (6ème siècle ap. J.C.)
Commonitorium - 11
Colunt semper deum, cuius ueram quidem per cuncta notitiam scire non possunt neque discernere ualent prouidentiae eius diuinitatisque rationem.
B 9
ISIDORUS HISPALENSIS
De ortu et obitu patrum - 132
LEXIQUE
Asmavedha Sacrifice du cheval.
Atman Soi.
Ayurvedas Textes sacrés sur la médecine indienne antique.
bhaktas dévots.
bhakti Participation dévotionnelle.
brahmaloka Paradis.
Brahman Universel.
Dharma Bon-ordre.
Ganas Compagnons de Shiva, le dieu de l’ivresse.
Holi Sorte de carnaval bachique indien dans la tradition shivaïte.
Indriyas Facultés sensorielles.
Kirtanas Chants de gloire.
Ksatriyas Caste des guerriers.
Mahabharata Epopée indienne dont les héros sont les Kauravas et les Pandavas.
Mahaprasthana Grand voyage ou suicide.
Manas Esprit.
Maruts Dieux de la tempête.
Maya Illusion.
Puranas Livre de légendes indiennes.
Ramayana Epopée indienne dont les héros sont le dieu Rama et la princesse Sita.
Rig-vedas Un des livres des Vedas.
Sannyasin Renonçant.
Sati Veuve ou véritable épouse.
Sattva Être psychique.
Susruta Extraits des Ayurvedas.
Upanishads : Textes philosophiques de l’Inde antique.
Vedas : Textes sacrés de l’Inde antique
ANDRÉ J. et FILLIOZAT J. : l’Inde vue de Rome.
Textes latins de l’Antiquité relatifs à l’Inde. (Paris, « Les belles lettres » 1986).
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Les relations extérieures de l’Inde in « Revue Historique » - 1949.
Trois Rencontres entre la Grèce et l’Inde in « Revue d’Histoire des Religions » - 1942.
Grecs et Sages Orientaux in « Revue d’Histoire des Religions » - Juillet/Décembre 1945.
La révélation d’Hermès Trismégiste in « Journal Asiatique » - 1944.
Rite et Symbolique en Acta Thomae in « Memorial Jean de Menasce » - Louvain 1974.
Docétisme indien et Docétisme chrétien in « Mélanges H. de Lubac » - Paris 1964.
La mort volontaire par le feu in « Journal Asiatique » - 1963.
Pandaia, fille d’Héraclès indien in « Journal Asiatique » - 1933.
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